L’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit du musée du Bois à Labaroche il y a 9 ans a été l’unique réalisation de l’association Énergie citoyenne de la Weiss. Que s’est-il passé depuis ?
Philippe Girardin : « J’ai lancé l’association Énergie citoyenne de la Weiss lorsque j’étais vice-président de la communauté de communes de la vallée de Kaysersberg. Une cinquantaine de personnes avaient acheté des actions d’une valeur de 100 à 3 600 € afin d’installer des panneaux photovoltaïques sur le toit du musée, mis gracieusement à disposition par la commune. Aujourd’hui, leur mise de fonds a été remboursée et certains ont accepté que l’argent gagné par la vente d’électricité revienne à l’association pour financer de nouveaux projets.»
Le coût: environ 300 000€ pour 800m²
Quels sont vos projets ?
«Depuis le printemps 2016, nous travaillons à un nouveau projet appelé centrale villageoise de la Weiss, qui consiste en la mise en place, sur des toits privés et publics, de panneaux photovoltaïques pour produire de l’électricité. L’ensemble des panneaux sera géré par une seule structure, une société par actions simplifiée (SAS), dont le type de gouvernance sera coopératif (« un homme égale une voix »).
Quatre réunions publiques d’information se sont tenues dans la vallée en octobre dernier afin de faire connaître ce système. Les citoyens peuvent participer de deux façons : soit louer un toit, soit investir dans des actions. Pour l’instant, douze personnes se sont déclarées partantes pour la première option et 45 personnes ont répondu positivement à la deuxième proposition. Trois communes sont aussi partie prenante : Le Bonhomme, Orbey et Labaroche.
En janvier, nous avons inspecté les toits proposés par les particuliers. Sur douze, nous en avons retenu six à Lapoutroie, Orbey et Labaroche en fonction de leur orientation (si possible sud, ou au moins entre sud est et sud-ouest), de leur matière, de la solidité de la charpente, de la présence ou non d’ombres portées, etc.
Côté communes, six toits font l’affaire : ceux de la salle municipale et des ateliers communaux au Bonhomme et ceux de la mairie, de l’école primaire, du hall de la place du marché et d’une maison à Orbey.»
Quelles sont les prochaines échéances ?
«Nous en sommes actuellement à la phase d’estimation des coûts que nous évaluons à environ 300 000 € pour 800 m2 de panneaux. Cette somme sera financée par les actions souscrites par les citoyens, une participation des entreprises locales, des communes, de la communauté de communes de la vallée de Kaysersberg, de la région Grand Est et de la Caisse des dépôts et consignations.
Énergie partagée investissement, premier outil financier d’investissement citoyen dans la production d’énergie renouvelable en France, et FESA, son équivalent allemand, sont également prêts à investir dans notre projet.
Nous devrons aussi recourir à l’emprunt. La communauté de communes de la vallée de Kaysersberg se portera garante pour nous. L’association Alter Alsace Énergies assurera une aide à la maîtrise d’ouvrage (AMO).
La société par actions simplifiée devrait voir le jour en mai ou juin, l’argent sera collecté à partir de l’été et jusqu’à fin septembre ; l’appel d’offres sera lancé à l’automne. Si tout se passe comme prévu, les travaux devraient être achevés avant Noël. »
Vous vous êtes inspirés d’une expérience déjà existante en Rhône-Alpes et en Paca…
« Oui, il y a quatre ans, la région Rhône-Alpes et des parcs naturels régionaux ont financé une étude fiscale et financière afin de créer des outils à destination des groupes citoyens qui souhaitent se lancer dans le développement des énergies renouvelables. La boîte à outils ainsi créée est mise à la disposition de tous et comporte toutes sortes de documents, d’informations, de modèles de baux, de statuts de société, de dépliants, de fichiers PowerPoint, etc., ce qui facilite grandement notre travail. Aujourd’hui, seize centrales villageoises photovoltaïques existent en France et douze autres sont en cours de création, dont la vallée de la Weiss et Saverne. »
À qui allez-vous vendre l’énergie produite ?
« À EDF ou à Énercoop (coopérative française qui achète et fournit de l’électricité 100 % renouvelable), avec qui nous signerons un contrat de 20 ans. L’électricité nous sera achetée 24 centimes d’euro le kW (prix fixé par l’État chaque trimestre).»
À combien évaluez-vous votre future production ?
Nous disposerons de 800 m² de panneaux photovoltaïques. 20 m² permettent d’assurer la consommation moyenne d’électricité d’une famille constituée d’un couple et de deux enfants, soit 3000 kW par an. Nous pourrons donc produire suffisamment pour la consommation de 40 familles.»
Envisagez-vous l’autoconsommation ?
«Non, ce n’est pas rentable pour l’instant car le prix actuel du kW en France se situe entre 12 et 14 centimes. Dans un premier temps, l’électricité que nous produirons sera injectée dans le réseau national, mais il est probable que d’ici 5 ou 6 ans son prix explose pour atteindre rapidement les 24 centimes, comme c’est déjà le cas en Allemagne ou en Belgique.»
Rens.: ecweiss@gmail.com ou Philippe Girardin au 03 89 47 55 27
www.centralesvillageoises.fr
L’argent placé dans le projet centrale villageoise de la Weiss sera remboursé avec un taux qui sera fixé par les actionnaires eux-mêmes. Pour les 15 projets équivalents déjà réalisés dans le Sud-Est de la France, le temps de retour sur investissement varie entre 8 et 11 ans, sachant que les contrats d’achat de l’électricité portent sur 20 ans. Les panneaux sont garantis 25 ans.