Voici comme promis, quelques éléments de nos échanges du dimanche 3 novembre 2013 (Table ronde agri du forum Natu’enVie de Munster).
Etaient présents : Martin Ehrhard, éleveur caprin (AB) à Metzeral / Pierre Deybach, producteur laitier (AB) à Sondernach ), Philippe Kuhlmann, agriculteur à Soultzeren, Fabien Barré, jeune agriculteur en recherche d’installation (chèvres), Brice Hertha en recherche de terres (plantes médicinales et légumes).
Marie Baltazard de l’Associaton Terre de Liens Alsace, Agnès Gabriel de l’Association Kerna un Sohma, Philippe Obrecht des Amis de la Confédération Paysanne, Jean-Michel Herbillon pour le mouvement des Incroyables Comestibles.
+ une soixantaine de citoyens de la vallée de Munster et au-delà !
Etaient excusés : Luc Hurter, producteur de plantes médicinales (AB) à Soultzeren / Pascal Schickel, prodcuteur laitier (AB) à Sondernach (Ferme Auberge du Hahnenbrunnen) / Michel Schertzinger, Ferme auberge du Sondernach-Ried (volaille en AB) / Guy Lochert, Ferme Auberge du Kahlenwasen / Caroline Claude de l’OPABA.
Le pari de départ était de dire que ce n’est pas le nombre d’agriculteurs présent qui déterminerait la qualité des échanges. Ce qui a pu largement être vérifié au cours de la matinée. Si 6 producteurs seulement de la vallée ont une certification AB, beaucoup d’agriculteurs travaillent d’une façon respectueuse et auraient peu de choses à changer dans leurs pratiques pour répondre à un cahier des charges de type AB.
Cette rencontre n’avait en aucun cas la prétention de révolutionner les pratiques agricoles dans la vallée, mais de permettre aux citoyens/consommateurs de mieux connaître leurs agriculteurs.
-> Martin E. :
– A 60 chèvres sur 18 ha (7 ha de fauche et 11 ha de pâturage).
– Vend des fromages de chèvre au marché du samedi matin à Munster.
– Beaucoup d’agriculteurs de la vallée ne font pas la démarche d’aller vers la bio alors qu’ils ont de bonnes qualités de pâturages.
– Ce qui n’est pas facile pour les agriculteurs certifiés bio est que les consommateurs et touristes de la vallée ne font pas la différence avec les autres produits et pensent que tout se vaut.
– Tout prend beaucoup de temps dans ce métier et on peut consacrer sa vie à faire les choses biens par rapport à la terre, aux animaux, à la façon de les nourrir…
– L’autonomie fourragère est rendue compliquée par les dégâts de sangliers et de cervidés.
– Il faut pouvoir fabriquer et vendre soi-même son fromage => imaginer un moyen de soulager l’agriculteur de la fonction de commercialisation.
-> Pierre D. :
– Exploite 70 ha en bio, avec 20 laitières dont le lait est transformé en fromage. Propose également de la viande et des salaisons (pas en bio à cause de la part de la viande de porc achetée à l’extérieur, qui est produite sainement mais non certifiée).
– Vend en direct à la ferme et au Village des Artisans à Muhlbach les mercredis après-midi et samedis matins.
– Motivation pour passer en bio : faire la différence par rapport aux autres.
-> Philippe K. : « Je suis là avec mes convictions mais aussi avec mes erreurs. »
– Il faudrait pouvoir travailler avec des circuits beaucoup plus courts.
– Les normes, souvent faites contre tout bon sens, semblent servir les intérêts des multinationales de l’agro-alimentaire.
– Sur la question de la difficulté d’accéder au foncier, il s’agit de ne pas aller à l’encontre des gens en place mais de comprendre les problématiques locales.
– Exploite 55 ha, dont 25 ha en foin en vrac avec de la traction animale et juste une motofaucheuses pour couper le foin.
– Les anciens rentraient de la « tisane » car tenaient à conserver la qualité du foin en gardant les graines et il faut savoir que dès que l’on fait passer un tracteur, cela détruit et appauvrit la diversité florale.
– « On ne reçoit pas la terre de nos ancêtres, on l’emprunte à nos enfants ».
– Travaille avec l’homéopathie et l’aromathérapie et essaie d’observer le moindre signe pour ne rien laisser au hasard.
– En diversifiant les variétés, on parvient aussi à plus de résistance aux maladies.
– Sur le sujet du rapport aux animaux : voir les notes de Philippe ci-dessous.
-> Fabien B. :
– Est originaire de la vallée
– Est un jeune agriculteur « hors cadre familial », c’est à dire qui n’hérite pas de la ferme de ses parents.
– Est le responsable du Syndicat des Jeunes Agriculteurs du canton.
– Est en recherche de terres et de bâtiments avec le projet de monter un élevage caprin.
– Il est très difficile d’accéder à du foncier.
– Un agriculteur qui s’arrête va vendre son exploitation au prix du revenu nécessaire pour financer sa retraite.
– N’a pour l’instant pas prévu d’être certifié bio car préfère privilégier de donner du fourrage local non bio plutôt que du bio qui viendrait de loin.
– Le fait d’avoir un lien direct avec l’agriculteur peut éviter d’avoir à être certifié.
-> Bric H. :
– Est également dans la catégorie « hors cadre familial ».
– Aurait besoin de moins de 2 ha.
– A actuellement 1 ha sur une multitude de petites parcelles.
– Fait du défrichement et de la ré-ouverture de paysages.
– Souhaite produire des plantes médicinales et aromatiques et quelques légumes.
– Souhaiterait mécaniser au minimum.
– Les agriculteurs en place ne veulent pas céder le moindre are (ex. s’est vu refuser la location de 16 ares de la part d’un exploitant qui a 110 ha).
-> L’association Kerna un Sohma :
– Regroupe, en Alsace, des producteurs (paysans, maraichers, viticulteurs), des transformateurs (meuniers, boulangers, viticulteurs) et des consommateurs.
– Son objectif est de promouvoir une agriculture saine, en particulier, par la gestion des semences, depuis leur collecte jusqu’aux semailles.
– L’un de ses moyens d’action, par exemple, est la création et le suivi de conservatoires de plus de 200 espèces de blés anciens.
-> L’association Terre de liens :
– Le but de l’association est d’acquérir des terres et d’accompagner l’installation d’agriculteurs ou la transmission de fermes.
-> L’association des Amis de la Conf. :
– Le but de l’association est de soutenir l’agriculture paysanne à taille humaine.
-> Remarques et questions des citoyens :
– Il y a beaucoup plus de consommateurs que de producteurs, la demande est donc forcément potentiellement importante.
– Une grande difficulté pour les agriculteurs est l’isolement (1 homme par exploitation et plus toute une famille comme auparavant) et à quoi la seule réponse pour l’instant est la mécanisation.
– Les agriculteurs sont beaucoup plus mécaniciens que paysans.
– Il faudrait inventer un nouveau lien entre les agriculteurs et les consommateurs, donc inventer des nouvelles formes de fermes,
– d’autant plus que 5 à 6 millions de personnes sont sans activité,
– et que mettre les mains dans la terre nous ressource.
– La ruche-qui-dit-oui qui est une structure qui met en relation des producteurs et des consommateurs via une plate-forme internet pour les commandes est une des réponses possibles (la plus proche est à Turckheim, celle de Munster n’ayant pas poursuivi son activité).
– Dès qu’une règle est écrite elle peut être contournée (ex. les milliers d’ha en « bio » en Roumanie).
– En Loire-Atlantique existe un principe de coopérative d’installation agri-paysanne qui permet à un jeune agriculteur d’être parrainé par un ancien qui se porte garant (CIARP44).
– L’idée de la création d’une filière viande issue de la chasse locale dans la vallée semble avoir été abandonnée.
– Le patrimoine arboricole de la vallée est remarquable mais peu valorisé et disparaît sous la pression agricole.
– Pourtant, dans les contrats agro-environnementaux il est spécifié que les fruitiers doivent être conservés.
– Il y aurait tout un travail d’éducation à mener pour éviter d’avoir à fournir des fruits calibrés et privilégier les variétés anciennes et locales pour éviter tout transport.
– Il faut savoir que tout activité agricole est exclue du statut d’auto-entrepreneur.
En conclusion : nous avons à jouer un rôle d’éducation pour suggérer d’autres pratiques et un rôle d’information pour tendre vers une « souveraineté » alimentaire dans la vallée.
Les présents ont convenu de se retrouver pour y travailler, une fois par mois, tous les 3èmes lundis du mois, à 20h, en salle 60 à côté da la bibliothèque, sous la salle des fêtes de Munster.
Notes envoyées par Philippe :
Comme promis, voici quelques points que nous n’avons pas abordés lors de la table ronde du 3/11 :-l’écornage: maltraitance des animaux.
La nature a prévu de donner des cornes aux vaches, symboles de force vitale.-les taureaux génétiquement sans cornes-les mâles approuvés: la loi Robin prévoit l’interdiction pure et simple d’utiliser des reproducteurs non-certifiés ou approuvés.
Le même spectre que la certification des semences guette l’élevage!-les campagnes de vaccination obligatoires: effets secondaires, avortements consécutifs à la vaccination FCO, profitent aux lobbies pharmaceutiques.-les modes d’élevage: manque de contact avec l’éleveur et ses animaux.
Aussi longtemps que l’on donne un nom aux animaux et que l’on connait chaque animal , on garde un certain contact.Une fois que le N° de l’oreille devient le seul repère, on vire à l’élevage industriel.-les vermifuges: effets sur les animaux
effets directs sur l’environnement (bousiers et insectes morts)
effets de résistance aux produits, et donc produits de plus en plus forts
résidus dans l’eau des sources et nappes phréatiques.-les antibiotiques-la pollution diesel des tracteurs et bobcats qui curent les étables.